L’APPEL DE LA NATURE, L’APPEL DU BONSAÏ
Comme un appel de la nature, nos passions, nos amours ne s’expliquent pas. Tout est dans cette force soudaine qui nous attache à un objet de la nature, une plante particulière, les fleurs, les oiseaux, les reptiles, les insectes, les paysages ou autres. Dans le cas de Gilles, c’est le bonsaï. Depuis quelques années, il collectionne et façonne de nombreuses variétés de ces arbres miniaturisés avec un soin particulier, un art désinvolte et minutieux. Nous avons rencontré Gilles Favarel à la troisième édition de l’exposition « BONSAÏ & IKEBANA » de Vernier en avril 2015. Son regard, son attention, sa curiosité pour ce que font ses pairs nous interpellent.
Nous décidons de faire connaissance avec Gilles pour découvrir son monde de bonsaïs, sa fascination pour ces plantes naines. Dans son jardin, il a aménagé un espace pour sa collection de bonsaïs, une quarantaine de plantes auxquelles il consacre le plus clair de son temps. On réalise que chaque bonsaï est un objet d’art qui avec le temps, devient l’expression d’une symbolique, d’une poésie. Gilles est bonsaïka, (personne qui cultive des bonsaïs) ; son savoir-faire en horticulture et sa vision d’artiste lui permettent de créer des modèles et même des essences originales.

LE BONSAÏ EN PRATIQUE : LES GESTES D’ENTRETIEN
Un bonsaï est avant tout une allégorie, l’aboutissement d’intentions et de gestes botaniques à des fins esthétiques. Pour qu’un bonsaï suscite une certaine émotion, il faut une bonne dose de créativité, il faut agir sur la direction de croissance des branches, respecter des proportions harmonieuses qui débouchent sur une certaine perfection artistique. Pour ce faire, Gilles Favarel s’est imposé un calendrier minutieux. Au fil des saisons, il doit arroser, fertiliser, tailler, rempoter, ligaturer, effectuer les traitements curatifs sur chaque bonsaï de sa collection. Par son expérience, il sait que le manque d’entretien, les maladies ainsi que les ravageurs sont des risques potentiels pour chaque plante et qu’il faut rester vigilant pour les contourner.
Un bonsaï est un être vivant, parfois très fragile qui nécessite des conditions de vie adéquates et une alimentation équilibrée qui renforceront les défenses propres à l’arbre. C’est alors qu’interviennent les outils à bonsaï, ces instruments de chirurgie végétale spécifiquement conçus pour l’entretien des bonsaïs. Gilles se les procure à mesure qu’il progresse dans la culture des bonsaïs. À l’heure de l’entretien, c’est toute une panoplie d’instruments métalliques (petites scies, sécateurs, pinces, ciseaux, pincettes etc) qui vont intervenir sur les plantes.
Plus loin, une gamme de petits objets dont du grillage plastique pour couvrir les trous de drainage, du fil d’aluminium cuivré de différents diamètres pour ligaturer, du raphia, un tube de mastic à cicatriser et d’autres encore. Le bonsaïka manie les instruments et les objets au grand bonheur de ses arbres miniaturisés. À tour de rôle, les instruments passent dans la main de l’artisan chirurgien pour façonner au mieux son objet d’art.

L’AMOUR DE BONSAÏ, UN ART SALUTAIRE
Oui, c’est tout un art ! Et Gilles peut se réjouir de son travail de longue haleine, car désormais sa collection comprend des bonsaïs de tailles variables : les mini-bonsaïs, très délicats dont les Mame d’environ 10 cm, les Shohin qui n’excèdent guère les 15 cm, les Kotate-Mochi et les Chu-Mono qui mesurent entre 15 cm et 60 cm et les Omonos pouvant atteindre 120 cm voire 180 cm. C’est aux alentours du XIIIè siècle que les Japonais ont codifié les règles de l’art du bonsaï en instaurant une nomenclature répertoriant les silhouettes et les styles de bonsaï. Mais une collection c’est aussi une diversité authentique, ostensible.
C’est pourquoi Gilles élargit sa collection aux styles les plus variés de la tradition japonaise. Armé de patience et d’imagination, il ne cesse de rechercher dans la nature les formes les plus originales qu’il matérialise dans les règles de la tradition du bonsaï. Sa collection est à présent composée de bonsaïs à un seul tronc, à troncs multiples ou à des forêts de bonsaïs : le style Chokkan, le bonsaï droit classique, le style Kengaï en cascade, le style Sokan à double tronc, le style Gohon Yose, forêt à cinq troncs, ou encore le style Nanahon Yose, forêt à sept troncs, pour ne citer que ces exemples.
Passionné de bonsaï et amateur de la botanique, Gilles Favarel investit sa dextérité dans le plaisir de reproduire la nature en miniature. Il éprouve un bonheur qui réside d’une part dans la fascination pour la loi de la nature qui fait pousser les plantes de manière très lente mais obstinée et d’autre part dans l’attitude personnelle du bonsaïka à modeler une espèce botanique pour atteindre son rêve.

GILLES ET SA COLLECTION DE BONSAÏ
L’aventure de Gilles Favarel dans le monde des bonsaïs est loin de se terminer. Sans jamais se lasser, il est quotidiennement en quête de nouvelles techniques pour une collection de bonsaïs toujours plus épanouis. Très volontiers, l’artiste accepte de répondre à nos questions.
Un beau jour, vous vous procurez votre premier bonsaï dont vous vous occupez avec une affection particulière. Parlez-nous de votre premier contact avec la culture des bonsaïs. Qu’est-ce qui vous y a poussé ?
En fait, j’ai découvert l’univers du bonsaï par hasard en tombant sur une émission de télévision dans laquelle un amateur parlant de cet art, de la ligature des branches, du traitement du bois mort etc. Je n’avais jamais vu le bonsaï comme un processus créatif, je ne m’étais jamais posé la question de savoir pourquoi ces arbres étaient hors de prix et je ne m’étais jamais penché sur leur esthétique. L’émission n’a duré que cinq minutes mais quelques clics sur internet et j’étais tombé dedans ! La suite est j’imagine, exactement la même chose que pour tous les amateurs, acheter un arbre, puis deux, puis trois…
Quelles sont vos essences favorites ? Quels sont les styles de bonsaï qui vous fascinent le plus ? Et pourquoi ?
Mon essence favorite est sans doute le pin ; je commence à m’intéresser aux caducs mais j’ai une nette préférence pour les conifères de manière générale. Je suis un bon Suisse amoureux de mes montagnes, je suis un grand passionné de snowboard et de randonnée ; le pin me rappelle mes escapades en altitude. L’art du bonsaï est né entre autre de la volonté de « capturer » des paysages, en Chine son pays d’origine. Cette discipline est appelée « Penjing », ce qui signifie littéralement « pot et paysage ». C’est un peu dans cette idée d’avoir des morceaux de montagne que je cultive mes arbres.
Chaque bonsaï de votre collection est une œuvre d’art unique. Quelle est votre meilleure réussite ?
Difficile à dire, plutôt que de parler de réussite, je préfère dire qu’il y a des arbres que j’affectionne plus que d’autres simplement parce que je les cultive depuis plus longtemps. Je pense que la notion de partenariat est importante dans la conduite d’un arbre. Si je ne m’occupe pas de lui comme il faut, il le manifestera et souvent d’une manière dramatique… La culture des bonsaïs implique une certaine dimension affective qui s’étale sur plusieurs années et quand l’arbre est en bonne santé après tout ce temps, j’ai envie de dire que c’est notre réussite et non pas ma réussite. Naturellement, quand je regarde mes premiers arbres qui m’accompagnent depuis quelques temps, je les préfère à ceux acquis récemment.
Quelles sont vos sources d’inspiration de prédilection : la nature ou les modèles japonais ?
Je suppose que si nous posons la question à un Japonais, il dira que c’est la même chose… Non, en fait il y a bien une esthétique japonaise ainsi qu’un savoir-faire et un raffinement qui est propre à la culture nippone, il suffit de voyager là-bas pour voir que les arbres du jardin, les « niwakis » ne sont pas taillés comme ici. Je pense qu’il y a différentes visions du bonsaï mais que l’inspiration vient forcément de la nature, de randonnées dans mon cas. Quelques fois je me dis, en regardant un pin accroché à une falaise « Ouaaa ! cet arbre est incroyable ; je le mettrais bien dans mon jardin, tel quel ! »
Êtes-vous déjà tombé, chez les autres, sur le bonsaï le plus abouti selon vous ? Si oui, qu’est-ce le caractérise ?
Où que j’aille, je garde l’œil ouvert s’il n’y a pas un bonsaï sur un balcon ou une terrasse ! Je ne cultive des arbres que depuis un peu plus de cinq ans maintenant, c’est comme si je venais de renter au jardin d’enfants des bonsaïs. Alors quand je regarde dans la cour des grands qui travaillent des arbres centenaires depuis des dizaines d’années. Je ne dis pas qu’il faut plus que la vie d’un homme pour qu’un bonsaï soit abouti.
J’ai eu la chance de voyager au Japon au printemps 2014 et d’aller voir le musée du bonsaï à Omiya ; tous les arbres étaient un peu des « rock stars » qu’on voit dans les magazines avec la qualité et le prestige que les Japonais savent insuffler dans la présentation de leur culture. Pour ce genre de pièces, la maturité des arbres est incroyable et c’est souvent le critère général d’un arbre abouti. En allant dans le détail, on regardera le pot, le sol, nébari (départ des racines), le tronc, les branches, le feuillage et le bois mort.
Vous travaillez tous les jours pour le bien-être de vos plantes naines ; comptez-vous arrêter un jour ? Et quel serait l’avenir de votre collection personnelle ?
Pour l’instant je ne m’en lasse pas, j’aime bien le rythme de la culture des bonsaïs bien qu’un peu contraignant pour l’arrosage estival. Si je passe à autre chose un jour, j’en donnerai à mon colocataire horticulteur et à mes amis prêts à s’engager dans cette aventure. Pour le reste, je les vendrai avec certainement un petit pincement au cœur…

Si, comme Gilles, vous vous investissez dans une activité qui touche à la nature, vous désirez consacrer une page comme celle-ci à votre activité, prenez contact avec nous en vous rendant ici.
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Chouette article qui m’a fait découvrir un peu plus cette art si mystérieux, et voir avec admiration la relation qu’entretient le bonzaïka et ses arbres. Merci!
Bonjour,
votre collection de bonsaïs est superbe et vos articles intéressants. Je pratique également cette culture et ai créé un blog… Bonne continuation.